ÂŦ Dans LâAmant, Marguerite Duras reprend sur le ton de la confidence les images et les thÃĻmes qui hantent toute son Åuvre. Ses lecteurs vont pouvoir ensuite descendre ce grand fleuve aux lenteurs asiatiques et suivre la romanciÃĻre dans tous les mÃĐandres du delta, dans la moiteur des riziÃĻres, dans les secrets ombreux oÃđ elle a dÃĐveloppÃĐ lâincantation rÃĐpÃĐtitive et obsÃĐdante de ses livres, de ses films, de son thÃĐÃĒtre. Au sens propre, Duras est ici remontÃĐe à ses sources, à sa "scÃĻne fondamentale" : ce moment oÃđ, vers 1930, sur un bac traversant un bras du MÃĐkong, un Chinois richissime sâapproche dâune petite Blanche de quinze ans quâil va aimer. Il faut lire les plus beaux morceaux de LâAmant à haute voix. On percevra mieux ainsi le rythme, la scansion, la respiration intime de la prose, qui sont les subtils secrets de lâÃĐcrivain. DÃĻs les premiÃĻres lignes du rÃĐcit ÃĐclatent lâart et le savoir-faire de Duras, ses libertÃĐs, ses dÃĐfis, les conquÊtes de trente annÃĐes pour parvenir à ÃĐcrire cette langue allÃĐgÃĐe, neutre, rapide et lancinante à la fois, capable de saisir toutes les nuances, dâaller à la vitesse exacte de la pensÃĐe et des images. Un extrÊme rÃĐalisme (on voit le fleuve ; on entend les cris de Cholon derriÃĻre les persiennes dans la garçonniÃĻre du Chinois), et en mÊme temps une sorte de rÊve ÃĐveillÃĐ, de vie rÊvÃĐe, un cauchemar de vie : cette prose à nulle autre pareille est dâune formidable efficacitÃĐ. à la fois la modernitÃĐ, la vraie, et des singularitÃĐs qui sont hors du temps, des styles, de la mode. Âŧ (François Nourissier) Marguerite Duras (1914-1996) a reçu le prix Goncourt en 1984 pour ce roman. Traduit dans 35 pays, il s'est vendu à 2 400 000 exemplaires toutes ÃĐditions confondues.