Krivoklat, citoyen autrichien, est à nouveau internÊ en institution psychiatrique. A chaque fois qu'il en sort, il rÊitère son geste fou : asperger ou tenter d'asperger d'acide sulfurique un chef-d'oeuvre de l'art occidental. Son idÊe fixe est de celles qui vous donnent du talent. Son tourment, sa colère noire, sa passion dÊchirante, il nous les expose dans un monologue torrentiel, atrabilaire, drôle à pleurer que l'auteur a conçu comme un hommage amusÊ au grand Thomas Bernhard (1931-1989). Bien entendu, le crime est passionnel : c'est par amour que Krivoklat vandalise, persuadÊ que seule la perte, la catastrophe, pourra rÊinvestir l'icône de son caractère unique, irremplaçable. Dehnel s'amuse, mais il nous livre aussi une rÊflexion passionnante et passionnÊe sur l'art et sa puissance. L'art dont on se protège en le photographiant, en le filmant, en en faisant des reproductions à l'infini. Et si Krivoklat dÊverse des flots de haine sur la sociÊtÊ occidentale, hypocrite et vÊnale, il nous fait Êgalement partager sa connaissance intime du geste crÊateur. A travers l'Êvocation de son amour dÊfunt, à travers aussi son amitiÊ pour un artiste de gÊnie, Zeyetmayer, internÊ comme lui, Krivoklat nous fait toucher du doigt ce qui, dans le chef-d'oeuvre, nous rÊvèle à notre humanitÊ. Jacek Dehnel (nÊ en 1980) est un poète, romancier, peintre et traducteur polonais. Il a remportÊ de nombreux prix et est considÊrÊ en Pologne comme l'un des Êcrivains les plus talentueux de sa gÊnÊration. Les Êditions Noir sur Blanc ont publiÊ en 2014 son roman sur Goya, père et fils : Saturne.