Des Esseintes, dernier descendant dâune noblesse Ă©puisĂ©e, aprĂšs avoir profitĂ© un temps des plaisirs dâune vaste fortune, ayant finalement assĂ©chĂ© la veine des amitiĂ©s charnelles, des mondanitĂ©s insipides et de lâexubĂ©rance juvĂ©nile dĂ©cide, fĂ©brile, de se retirer de Paris en un pavillon quâil amĂ©nage en havre salutaire oĂč il pourra se consacrer en paix Ă la lecture et aux raffinements des sens.
Et câest en effet un refuge dĂ©lectable amĂ©nagĂ© avec gĂ©nie, dĂ©crit, justifiĂ©, exceptionnel dĂ©tail aprĂšs dĂ©tail, composĂ© dâessences rares et exotiques, de teintes choisies suivant dâhabiles calculs, dâĂ©toffes prĂ©cieuses, de vitraux, de curiositĂ©s agencĂ©s avec la prĂ©cision dâun goĂ»t sĂ»r et dâune richesse remarquable. Tout y est visible, palpable, si vrai que lâon peut le sentir. Dans un isolement total, des Esseintes va pouvoir profiter dâune retraite quasi monastique. Mais bientĂŽt, malgrĂ© la perfection de son environnement, sa nĂ©vrose resurgit gĂątant un Ă un ses sens et ses plaisirs, le faisant dĂ©lirer sans raison apparente.
AprĂšs des espoirs de rĂ©tablissements, fruits de mĂ©dications spirituelles et ingĂ©nieusement dĂ©licates soldĂ©es de pires rechutes, il est contraint dâappeler un mĂ©decin qui va finalement lâobliger Ă rentrer Ă Paris lui arrachant ces derniers mots : âComme un raz de marĂ©e, les vagues de la mĂ©diocritĂ© humaine montent jusquâau ciel et elles vont engloutir le refuge dont jâouvre, malgrĂ© moi, les digues.â
Ecrivain et critique d'art du dernier quart du XIXe siĂšcle